Monsieur le Premier ministre Carney,
En tant que chefs de file du secteur agricole et agroalimentaire canadien, nous saluons l’intention de votre gouvernement de renforcer l’économie, notamment en s’attaquant aux défis liés à la productivité, en allégeant le fardeau réglementaire, en éliminant les obstacles au commerce intérieur, en étendant l’accès aux marchés et en faisant avancer les projets essentiels à l’édification de notre pays. Nous sommes enthousiasmés par les possibilités que cela ouvre pour faire progresser le secteur agricole et agroalimentaire canadien et l’aider à améliorer sa position et son influence sur les marchés mondiaux et nationaux.
Toutefois, cet enthousiasme est tempéré par la crainte persistante que l’agriculture soit trop souvent négligée dans les politiques nationales et les décisions d’investissement. Les dépenses de R&D agricole du Canada ont chuté de 0,86 milliard de dollars en 2013 à 0,68 milliard de dollars en 2022, ce qui le place en dernière position parmi les sept premiers pays de l’OCDE. Sans un changement d’approche clair, le Canada risque de prendre un retard irrémédiable dans un secteur essentiel à la croissance intérieure et à l’exportation, à la sécurité alimentaire et à la résilience économique.
En tant qu’industrie vitale profondément enracinée dans les communautés rurales et urbaines, nous contribuons chaque année à hauteur de près de 150 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada et employons 2,3 millions de personnes, soit plus que les secteurs de l’automobile, de la foresterie, de l’acier et de l’aluminium, et du pétrole et du gaz combinés. Nous sommes le plus grand secteur manufacturier du pays et un moteur clé de la croissance économique nationale.
Depuis trop longtemps, notre secteur agricole et agroalimentaire recèle un potentiel inexploité considérable en tant que moteur économique stratégique pour le Canada. Nous disposons des terres, des ressources en eau douce et marines, de la main-d’œuvre, de la sécurité et de la crédibilité réglementaire nécessaires pour être un chef de file mondial dans le domaine de la production alimentaire et agricole durable. Pourtant, alors que les gouvernements d’autres pays investissent massivement dans l’agritechnologie, la transformation alimentaire nationale, la production et la préparation à l’exportation, le Canada a tardé à réagir, manquant ainsi des occasions. Nous en voyons les conséquences, puisque la part du Canada sur le marché mondial de l’agriculture a chuté de 12 % depuis 2000, tandis que des concurrents comme le Brésil et l’Australie ont gagné du terrain sur des marchés en pleine croissance. Parallèlement, la croissance annuelle moyenne de notre productivité a ralenti par rapport aux 2,2 % enregistrés au début des années 2000 et, selon les projections, elle devrait tomber à 1 % d’ici 2030.
Le moment est venu pour l’agriculture de devenir un pilier de l’avenir du Canada, stratégiquement positionnée pour stimuler la croissance économique, favoriser l’innovation, appuyer les objectifs de durabilité et de productivité et améliorer le niveau de vie de tous les Canadiens. Pour changer de cap, il faut que l’agriculture devienne une priorité nationale, soutenue par des investissements importants et un leadership fédéral coordonné. Un engagement renouvelé envers ce secteur peut favoriser la réalisation de multiples objectifs nationaux. Sur le plan économique, l’industrie agricole et agroalimentaire canadienne a enregistré une croissance annuelle moyenne du PIB de plus de 4 milliards de dollars au cours des dix dernières années[1]. Avec des investissements appropriés dans la production nationale, la transformation à valeur ajoutée, la productivité et les exportations, le secteur a le potentiel de plus que doubler ce chiffre et de générer une croissance supplémentaire du PIB de 100 milliards de dollars au cours des dix prochaines années, pour atteindre un total de 250 milliards de dollars d’ici 2035.
Nous exhortons votre gouvernement à considérer l’agriculture et l’agroalimentaire comme un secteur stratégique et à prendre les mesures suivantes :
- Dresser un plan ciblé pour la croissance économique dans le secteur agricole et pour soutenir la sécurité alimentaire — en faisant de l’agriculture et de l’agroalimentaire, y compris de l’agriculture autochtone, une priorité nationale assortie d’objectifs clairs de croissance de la production, d’investissement dans l’innovation, de transformation à valeur ajoutée, d’exportations et d’offre stable de main-d’œuvre.
- Veiller à ce que la réglementation appuie le programme de croissance — en alignant le mandat des principaux organismes de réglementation gouvernementaux sur les objectifs du Canada en matière de sécurité alimentaire et de compétitivité agricole, en réduisant le fardeau réglementaire et en faisant du Canada une destination de choix pour l’investissement et l’innovation.
- Donner la priorité aux infrastructures de transport et de commerce qui soutiennent l’agriculture, notamment les infrastructures ferroviaires, portuaires et de la chaîne de réfrigération, ou « chaîne du froid », ainsi que les infrastructures rurales nécessaires pour relier les producteurs aux corridors nationaux, tout en garantissant la fiabilité des services nécessaires pour maintenir la réputation du Canada en tant que fournisseur fiable de produits agricoles.
- Moderniser les outils de gestion des risques afin de garantir qu’ils sont inclusifs et adaptés aux conditions climatiques et commerciales actuelles, et veiller à ce que des mesures d’atténuation adéquates soient en place pour soutenir le secteur face aux perturbations commerciales et climatiques actuelles.
Les pays qui nourrissent le monde façonneront celui-ci de façon croissante, et le Canada, qui a la capacité de se nourrir et de nourrir les autres de manière durable, a toutes les raisons et tous les atouts pour en faire partie. Sans une action audacieuse et immédiate de la part du gouvernement fédéral, le potentiel du secteur agricole et agroalimentaire continuera d’être limité et nous manquerons cette occasion cruciale.
Nous vous pressons de faire de l’agriculture une priorité absolue du programme économique et national de votre gouvernement. Nous sommes prêts à collaborer avec vous pour concrétiser cette vision.
Veuillez recevoir, Monsieur le Premier ministre, nos salutations les plus respectueuses.
Les organisations agricoles nationales soussignées.