Des représentants de quatre ministères ou organisations ministérielles ont récemment effectué une excursion dans le comté de Norfolk, connu sous le nom de « jardin de l’Ontario », pour observer le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) en action. Des fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada (EDSC), de Service Canada, d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) ont participé à une tournée de deux jours, qui s’est arrêtée dans douze fermes dont des serres et des installations d’emballage. Les fonctionnaires du gouvernement ont choisi les fermes qu’ils souhaitaient visiter afin de s’assurer qu’ils puissent voir l’environnement de travail typique du PTAS, et non seulement les fermes choisies par les organisateurs de la tournée. À chaque arrêt, les participants de l’excursion ont pu parler avec des travailleurs soit en groupe ou de façon individuelle, et ont visité plusieurs dortoirs d’âges différents. Il ne semblait pas y avoir d’abus envers les travailleurs, de conditions de logements inacceptables, de déni de soins de santé ou de privation des droits de l’homme, contrairement aux préoccupations récemment signalées dans les médias. Les participants s’entendaient pour dire que la tournée offrait une excellente occasion d’apprendre et d’échanger des informations susceptibles d’améliorer l’administration du programme et de soutenir la croissance dans le secteur.
Interdépendance entre les travailleurs du PTAS et les agriculteurs
Il existe une relation interdépendante entre les agriculteurs et les travailleurs du PTAS. Les agriculteurs rencontrés lors de la tournée ont expliqué que, sans le PTAS, ils ne pourraient pas cultiver des fruits et légumes au Canada. Les travailleurs bénéficient également de pouvoir envoyer leurs enfants à l’école et d’améliorer leurs conditions de vie à la maison.
Les universités de Guelph et de York, Agri-Food Economic Systems et l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (IICA) ont fourni des preuves académiques qui ont permis de constater que les travailleurs du PTAS et l’économie canadienne bénéficient mutuellement de la situation. La preuve indique que, pour chaque travailleur employé dans le cadre du PTAS, deux emplois à temps plein canadiens sont créés ailleurs dans cette chaîne intégrée. Selon l’IICA, « le secteur agroalimentaire, tout comme les autres secteurs, est devenu un lieu de travail mondial. Le programme saisonnier du Canada permet aux entreprises agricoles de répondre à leurs besoins saisonniers en matière de main-d’œuvre tout en offrant un soutien économique aux travailleurs des pays en développement, avec un potentiel supplémentaire d’échanges culturels agricoles en cours qui permettent un échange d’idées, d’innovation et de technologie ». La recherche de l’IICA révèle aussi que « les avantages du PTAS pour les employés comprennent de meilleures occasions d’acheter des maisons et des véhicules dans les pays d’origine des travailleurs, […] de meilleures occasions d’offrir à leurs enfants une éducation, de meilleurs soins de santé, l’opportunité de faire des économies et des meilleures possibilités pour l’achat de terres et de bétail ».
Faire en sorte que les travailleurs du PTAS se sentent chez eux
Pour que leurs travailleurs soient à l’aise, les agriculteurs construisent des logements saisonniers appelés « dortoirs » qui sont strictement réglementés par les codes de construction municipaux et provinciaux et sont régulièrement inspectés. Un agriculteur rencontré lors de la tournée avait récemment terminé un projet de rénovation de 300 000 $ à son ancienne maison pour ses travailleurs saisonniers, conformément au code de construction de l’Ontario et aux règlements municipaux, après avoir déménagé sa famille dans une maison plus petite.
Le taux de rétention des travailleurs du PTAS est remarquable, et de nombreux travailleurs reviennent au Canada depuis plus de 40 ans pour aider à récolter des fruits et légumes. Murray Porteous de Lingwood Farms et président du Comité de la main-d’œuvre du Conseil canadien de l’horticulture a souligné combien « il est important de traiter vos travailleurs avec respect. Ces gens sont devenus comme une famille élargie pour ceux comme qui font partie du programme et les participants à la tournée ont rencontré des travailleurs qui choisissent de venir au Canada grâce au PTAS depuis plus de 45 ans. »
Les communautés qui hébergent ces travailleurs essaient également de faire en sorte qu’ils se sentent chez eux. Dans le comté de Norfolk, la communauté a fait des efforts afin d’accueillir les travailleurs en accroissant ses activités multiculturelles. Les travailleurs visitent régulièrement la ville où ils participent aux services religieux locaux (l’église locale paie pour un pasteur du pays d’origine pour venir offrir certains services spéciaux), mènent des festivals et organisent des soirées de jeux et des tournois de soccer.
Des travailleurs saisonniers de la Jamaïque reviennent aux mêmes fermes canadiennes chaque année. Cette année, un Canadien malentendant, mais désireux de travailler avec ardeur s’est également joint à Lingwood Farm. Photo : Janet Krayden (CCRHA)Pourquoi le PTAS est essentiel à l’agriculture canadienne
Il y a beaucoup d’emplois disponibles dans les fermes de fruits et légumes, mais il n’y a pas assez de Canadiens disposés ou disponibles pour les combler. Les agriculteurs rencontrés lors de la tournée ont déclaré qu’ils faisaient tout leur possible pour embaucher d’abord des employés canadiens, en publiant continuellement leurs offres d’emplois sur tous les babillards d’emplois en ligne, y compris le Guichet-Emploi du gouvernement fédéral, dans les journaux locaux et au bureau de poste. Malheureusement, ils reçoivent peu ou pas de réponse favorable.
Si les Canadiens ne sont pas disponibles pour cueillir des fruits ou des légumes, l’une des façons dont les agriculteurs comblent ce manque de main-d’œuvre est en utilisant le PTAS, qui a célébré son cinquantième anniversaire en 2016. Les consommateurs aiment manger des fruits et des légumes frais. Manger des produits locaux est d’ailleurs très populaire, mais ce n’est pas tous les consommateurs qui sont au courant qu’il s’agit d’employés du PTAS venant de la Barbade, de l’est des Caraïbes, de la Jamaïque, du Mexique et de Trinité-et-Tobago qui aident à faire pousser et récolter les fruits et légumes frais destinés à la consommation canadienne.
Selon Porteous, « Dans notre ferme familiale, nous comptons sur des travailleurs jamaïcains du PTAS pour pourvoir nos postes disponibles. Nous embauchons environ 80 travailleurs de façon saisonnière. De toutes les candidatures canadiennes que nous recevons chaque année grâce à la publicité, une seule personne s’est présentée à un entrevue de sélection au cours des 10 dernières années. » Il a aussi expliqué que « sans l’aide des travailleurs saisonniers étrangers, notre ferme devrait cesser ses opérations immédiatement et les travailleurs canadiens à temps plein à l’emploi des usines d’emballage de fruits seraient également sans travail ».
Le PTAS, fondé avant le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), est un programme bien géré avec des règles strictes. Il a été introduit il y a plus de 50 ans en raison des exigences soutenues au niveau de la main-d’œuvre pour cultiver des fruits et légumes au Canada et des défis uniques auxquels font face les agriculteurs pour trouver des gens pouvant travailler dans leurs fermes. Ces défis incluent : les emplacements ruraux, la manutention de plantes vivantes, le temps imprévisible, le travail exigeant au niveau physique et une saison de production limitée.
Les recherches menées par le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA) démontrent que le manque de main-d’œuvre en 2014 pour les produits horticoles était de 35 700 personnes. Cette année-là, le PTAS a permis aux agriculteurs canadiens de combler avec succès ce manque à l’aide de 35 000 travailleurs saisonniers. Au cours de la prochaine décennie, les défis des agriculteurs de fruits et légumes à trouver des travailleurs se sont intensifiés alors que la main-d’œuvre domestique a continué de diminuer. En 2015, ce manque de main-d’œuvre était à 46 500 pour les produits horticoles. Plus de la moitié (53 %) du travail requis dans les fermes canadiennes est de nature saisonnière, ce qui signifie que ces emplois qui ne fournissent pas de travail à temps plein temps durant toute l’année. Étant donné que la saison de production au Canada est si courte, notre main-d’œuvre agricole saisonnière canadienne est une partie très importante de la production de nourriture, où l’énonce « l’hiver arrive » est beaucoup plus qu’une simple phrase de la populaire émission de télévision Game of Thrones.
Murray Porteous, de Lingwood Farms, travaille dans son verger de pommiers avec ses employés saisonniers. Photos : Janet Krayden (CAHRC)La tournée de fermes met également en lumière l’innovation et les investissements en matière de technologie
La tournée a démontré que les producteurs de fruits et légumes font d’énormes investissements technologiques pour augmenter la productivité. L’innovation est en évidence à la fois sur le terrain et dans les granges d’emballage afin de rendre les opérations agricoles plus efficaces et diminuer la dépendance à l’égard de la main-d’œuvre. Les statistiques du comté de Norfolk étayent ce point, alors que les producteurs de Norfolk sont classés premiers au Canada pour l’utilisation de technologies. Un autre indicateur nous montre que les investissements dans le secteur agricole dans le comté de Norfolk, y compris les terrains, les bâtiments, le bétail et les machines, ont été évalués à environ 3,3 milliards de dollars en 2016. L’avantage pour l’économie canadienne de la région de Norfolk comprenait 519 millions de dollars en revenus agricoles totaux bruts en 2015.
La technologie, cependant, n’est pas suffisante pour aider les agriculteurs. Certains travaux ne peuvent pas être effectués par des machines; le travail physique difficile sera toujours nécessaire. Lors de la tournée de sa ferme, Jacklynn Ryder, ancienne professeure d’école qui possède et exploite une ferme avec son mari Jason, a déclaré : « Rien ne peut remplacer le travail manuel humain quand il s’agit de bottes d’oignons verts. » Ryder, un agriculteur avec de jeunes enfants, a expliqué en riant comment, lorsqu’ils conduisent leur chargement d’oignons verts frais à travers la ville, elle entend souvent dire des gens qu’ils ont envie de manger des hamburgers. Elle a également expliqué comment elle et son mari ont visité de nombreuses opérations agricoles dans d’autres pays à la recherche de technologies pour remplacer la cueillette et l’emballage manuel des oignons avec des élastiques. « Il n’y a rien qui puisse éliminer la saleté et mettre l’élastique autour des oignons plus rapidement qu’une personne utilisant ses deux mains », a expliqué Ryder.
La prochaine fois que vous irez à l’épicerie, demandez à votre détaillant des fruits et légumes locaux cultivés au Canada en n’oubliant pas les mains laborieuses qui nous nourrissent.
Ancienne professeure d’école, maintenant agriculteur, Jacklynn Ryder explique le processus de récolte des oignons verts.Photo : Rebecca Lee (CCH)