Parlons argent : Salaires de la main-d’œuvre comme aide étrangère

Décembre 6, 2018

Par Janet Krayden, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA)

Les producteurs parlent souvent des bénéfices de l’aide du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) pour les travailleurs agricoles et leurs familles. Et, grâce à la relation personnelle que les agriculteurs ont avec leurs employés saisonniers, ils ont une perspective unique et directe pour témoigner des façons dont les vies de leurs travailleurs agricoles et de leurs familles s’améliorent pendant qu’ils sont employés dans le cadre du PTAS.

Même si cette composante d’aide étrangère est en général comprise par les producteurs canadiens qui utilisent le programme—les avantages des salaires du PTAS qui permettent aux travailleurs et à leurs familles de sortir de la pauvreté, de bâtir de nouvelles maisons et d’envoyer leurs enfants à l’école—les médias, le grand public et même les représentants du gouvernement ne la connaissent pas bien et ne la comprennent pas non plus.

Une des raisons pour lesquelles les avantages du PTAS sont probablement le secret le mieux gardé de l’agriculture canadienne, c’est que le programme avec sa feuille de route exemplaire de 50 ans, ne reconnaît pas officiellement ces avantages économiques et ne présente pas de rapport à ce sujet non plus.

En Australie, le Programme des travailleurs saisonniers (PTS), un programme relativement nouveau établi en 2012, figure parmi la poignée de régimes de migration mondiaux qui conserve l’objectif explicite de contribuer au développement économique des pays qui envoient de la main-d’oeuvre à l’étranger.

Semblable au PTAS du Canada, le PTS de l’Australie possède un réseau de pays insulaires hôtes du Pacifique. Et aussi de façon similaire au Canada, les travailleurs saisonniers profitent de la possibilité de gagner les salaires australiens et d’acquérir des occasions valables d’apprentissage pratique. »

Un Rapport 2018 de la Banque mondiale a documenté les bénéfices de l’aide étrangère du programme australien. «

Au niveau global, le PTS a employé 17 320 habitants des îles du Pacifique depuis 2012 et a versé approximativement 144 M$ en revenus nets à la région » note le rapport. « Le programme réalise clairement son objectif fondamental qui est de contribuer au développement économique des pays participants, tel qu’il est mesuré en termes de revenu. »

Une recherche préliminaire réalisée par le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA) indique que le PTAS du Canada a un impact beaucoup plus important sur son réseau de pays. En utilisant les données sur le marché du travail de 2014 du CCRHA, alors que 35 000 travailleurs saisonniers étaient employés, approximativement 337 M$ de versements ont été envoyés par les employés du PTAS du pays hôte à leurs pays d’origine : Mexique, Anguilla, Antigua-et-Barbuda, Barbade, Dominique, Grenade, Jamaïque, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincentet- les Grenadines, et Trinidad-et-Tobago.

La recherche du CCRHA indique que pendant cette même période, le budget total d’aide étrangère du Canada à ces pays était de 29 M$. C’est donc dire que les envois de fonds des employés du PTAS sont de plus de onze fois plus importants que l’aide annuelle du Canada à ces mêmes pays.

On ne sait généralement pas que les employés du PTAS sont des cotisants importants de l’économie canadienne. Selon les évaluations préliminaires du CCRHA basées sur les données de 2014, les travailleurs du PTAS ont contribué plus de 113,5 M$ à l’économie canadienne. Ces apports économiques comprennent l’achat d’articles dans des communautés canadiennes locales, comme du riz, de la farine et de la marchandise de haute technologie que les travailleurs envoient à leurs familles ainsi que leurs cotisations à l’AE, au RPC et au régime fiscal du Canada.

Louise Arbour, représentante spéciale des Nations Unies pour la migration internationale

Au sommet sur l’immigration du Conference Board of Canada en mai 2018, la conférencière d’honneur était l’honorable Louise Arbour, qui est actuellement la représentante spéciale des Nations Unies pour la migration internationale. Elle a parlé du développement et de la migration en présentant des commentaires pour appuyer les programmes saisonniers et leurs liens positifs aux versements.

« Le développement est bon. Entre autres choses, il a aidé à réduire la mortalité infantile en Afrique » a expliqué Mme Arbour au cours de la conférence. « Entre-temps, le monde occidental vit un déclin régulier de sa population en âge de travailler, à des taux légèrement différents selon les pays. Cette situation exige des politiques d’immigration intelligentes, mais traditionnelles, grandement axées sur les besoins du marché du travail. Plus particulièrement, lorsque les facteurs d’incitation et d’attraction sont rigoureux, les voies légales réactives sont cruciales. »

L’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (IICA), un organisme international dont le mandat est d’améliorer la compétitivité et promouvoir le développement durable de l’agriculture dans l’hémisphère occidental, a publié son document Report on the Seasonal Agricultural Worker Program pour lequel la recherche a été réalisée par Mme Sara Mann Ph.D., Mme Marie-Helene Budworth Ph.D., et M. Andrew Rose Ph.D.

Les constatations indiquent « des bénéfices notables et des possibilités inhérentes pour appuyer le développement agricole dans les pays d’Amérique latine et les Caraïbes, » dit Mme Audia Barnett Ph.D., représentante de l’IICA au Canada.

« Aujourd’hui, le secteur agroalimentaire, tout comme plusieurs autres secteurs, est un marché mondial du travail. Les programmes saisonniers du Canada permettent aux entreprises agricoles de répondre à leurs besoins saisonniers en matière de main-d’oeuvre, tout en fournissant un soutien économique aux travailleurs des pays en développement, » explique Mme Barnett. « Le bonus étant le potentiel de l’échange de connaissances agricoles qui permet le transfert des idées, de l’innovation et des technologies. »

L’IICA travaille en collaboration avec les producteurs canadiens et les employés du PTAS de la Jamaïque pour étendre son projet, en visant à lancer un nouveau programme dans le cadre duquel les travailleurs jamaïcains qui sont formés et connaissent les pratiques agricoles modernes du Canada pourraient, à leur tour, former d’autres travailleurs jamaïcains qui ont peu d’expérience agricole ou aucune expérience agricole.

Tous ces éléments positifs de développement s’ajoutent à l’effet du multiplicateur d’emploi, alors que le PTAS crée deux emplois à temps plein pour les travailleurs canadiens dans les deux sens de la chaîne des valeurs, selon l’étude, The Economic Impact of the Seasonal Agricultural Worker Program in the Ontario Horticulture Sector, réalisée par Al Mussel.

Le Foreign Agricultural Resource Management Services (FARMS) a développé une courte vidéo qui souligne les avantages du PTAS et qui est présentée sur la page web de la Campagne de sensibilisation du Conseil canadien de l’horticulture (CCH), dans la section Faits et Messages clés.

Le PTAS permet au Canada d’être un bon citoyen mondial, sans frais pour le contribuable canadien. C’est donc un gain pour toutes les parties, y compris les travailleurs, leurs familles et les économies de leurs pays d’attache, ainsi que pour les entreprises agricoles canadiennes, les consommateurs et l’économie.