Selon un rapport publié par Statistiques Canada, près de 10 pour cent des ménages canadiens sont confrontés chaque jour aux défis liés à l’insécurité alimentaire. Ce nombre est multiplié par quatre dans les régions nordiques éloignées du pays. Les études gouvernementales montrent un lien clair entre l’insécurité alimentaire et une moins bonne santé physique et mentale, qui peut mener à des maladies chroniques telles que l’asthme et la dépression. Le secteur horticole canadien contribue à remédier à cette situation en s’appuyant sur l’innovation et les dernières avancées technologiques.

Des groupes impliqués dans des projets et des initiatives de recherche partout au pays unissent leurs efforts pour rendre les serres plus accessibles et plus productives d’un océan à l’autre. Si les producteurs rencontrent certaines difficultés pour assurer la diminution de la perte de chaleur, mettre en œuvre des procédés d’automatisation informatique ou adopter la technologie de bioréacteurs, ils auraient intérêt à s’inspirer de projets ayant mené à des résultats concluants. Parmi ces projets, mentionnons l’AgriDome, l’initiative CanGrow, la Inuvik Community Greenhouse (serre communautaire d’Inuvik) et le Vineland Research and Innovation Centre (complexe du Centre de recherche et d’innovation de Vineland).

L’AgriDome, une serre se trouvant au Yukon, intègre tous les aspects traités dans son étude de faisabilité. Elle a été conçue en tenant compte de la question de l’efficacité énergétique et de la perte de chaleur. Même la forme de l’AgriDome, aussi banale qu’elle puisse paraître, a été retenue pour ses caractéristiques aérodynamiques : comme le rapport entre la superficie totale et la capacité utile est réduit au minimum, la chaleur a peu d’occasions de s’échapper. Par ailleurs, l’AgriDome n’a pas recours à l’énergie solaire pour faire pousser les plants; il fait plutôt appel exclusivement à un éclairage artificiel.
« De la chaleur s’échappera inévitablement de n’importe quelle structure conçue pour laisser passer la lumière du soleil, a expliqué Glenn Scott, fondateur de Agri-Arctic inc. Contrairement à ce que la plupart des gens pourraient penser, l’énergie solaire n’a pas un coût nul lorsqu’il faut chauffer une infrastructure en plein milieu de l’hiver. De plus, comme le chauffage représente généralement jusqu’à 75 pour cent du budget énergétique de l’AgriDome, nous ne pouvions tout simplement pas nous permettre d’avoir recours à cette source d’énergie. »

La plupart des innovations utilisées pour le projet de l’AgriDome ont été conçues précisément pour convenir à un milieu arctique rigoureux. Toutefois, certaines caractéristiques, telles que le recours à une méthode de culture hydroponique verticale afin de minimiser la superficie requise pour la production de plants, pourraient très bien être adaptées pour une utilisation plus au sud. L’AgriDome a démontré que la culture verticale permettait de produire 30 plants par pied carré sur une superficie de 32 pieds carrés.
D’ici la fin de l’année, l’AgriDome aura déménagé à Hay River, dans les Territoires du Nord-Ouest, où il sera utilisé dans le cadre d’un projet de démonstration de la technologie « PoultryPonics », où la culture hydroponique et l’élevage de poulets seront interreliés par l’entremise de la technologie de bioréacteur.

Dans le cadre de cette démonstration, les poulets seront nourris avec les déchets verts, et le fumier qui en résultera sera digéré par le bioréacteur, qui le transformera en une solution nutritive utilisable. Cette dernière sera ensuite administrée aux plants, puis le cycle recommencera. Tout au long de ce processus, le bioréacteur générera une quantité de chaleur considérable qui pourra ensuite être utilisée pour réduire davantage la consommation d’énergie.

AgriDome

L’AgriDome n’a pas recours à l’énergie solaire pour faire pousser les plants; il fait plutôt appel exclusivement à un éclairage artificiel.

Le projet CanGrow, qui a été lancé par le Aurora Research Institute dans les Territoires du Nord-Ouest et qui a pris fin l’année dernière, avait pour objectif d’étudier la faisabilité de l’implantation de serres commerciales sur le territoire. L’institut de recherche a étudié la faisabilité d’une exploitation serricole en menant des projets pilotes dans deux petites villes du territoire : Inuvik et Norman Wells. Dans le cadre de ces projets pilotes, des renseignements essentiels ont été recueillis aux fins de conception d’un prototype de serre qui serait le mieux adapté à chacun des sites.

L’objectif principal du projet CanGrow mené aux T.N.-O. était de doter les habitants des communautés du Nord des outils et des connaissances nécessaires à l’atteinte de leurs cibles en matière de production alimentaire. À cet égard, le Aurora Research Institute a créé des liens entre les producteurs locaux et des chercheurs éminents dans le domaine des technologies serricoles lors d’ateliers portant sur ces dernières, organisés dans le cadre de son projet CanGrow.

« Les experts invités ont présenté des innovations technologiques à un public composé d’intervenants de la région et de membres de la communauté agricole des Territoires du Nord-Ouest, a indiqué Jessica Dutton du Aurora Research Institute. Pendant les discussions en groupe, les membres de la communauté ont pu échanger avec ces spécialistes au sujet de la manière dont les technologies pouvaient représenter une solution aux défis particuliers des producteurs des régions arctiques. Il en résulta un fructueux partage de connaissances. »

Le Aurora Research Institute a également organisé le Greenhouse ResearchHack, un concours visant précisément à inciter les experts à apporter des solutions aux défis particuliers en matière de production présents dans les régions nordiques du Canada.

M. Mark Lefsrud (Ph. D.) et son équipe de l’Université McGill ont remporté le concours Greenhouse ResearchHack pour leur projet de serre intégrée adapté aux régions nordiques canadiennes. Il s’agit d’une installation semi-fermée conçue dans un conteneur d’expédition, qui fait appel à des systèmes de culture verticaux, à des technologies d’éclairage DEL, à un système intégré de chauffage, de climatisation et de ventilation, ainsi qu’à un système de contrôle de la température pour offrir une surface de culture à la fois extrêmement efficace et flexible, et qui présente un potentiel d’utilisation à l’année.

À l’autre bout du spectre technologique, on retrouve la Inuvik Community Greenhouse, la première serre du Grand Nord. Son succès découle non pas de l’innovation, mais plutôt de l’application des méthodes qui avaient déjà fait leurs preuves dans toutes les régions du Canada.

La Inuvik Community Greenhouse est la serre se trouvant le plus au nord en Amérique. En activité depuis 1998, elle profite des périodes d’ensoleillement de 24 heures durant l’été et recourt aux méthodes conventionnelles pour la culture de fruits et légumes frais. Au fil du temps, la Inuvik Community Greenhouse a su prouver qu’il était non seulement possible de cultiver une variété de fruits et légumes frais à l’intérieur au nord du cercle polaire arctique, mais aussi à l’extérieur!

L’année dernière, nous avons installé des platebandes surélevées à l’extérieur et nous avons obtenu d’excellents résultats, a indiqué Ray Solotki, directeur de la Inuvik Community Greenhouse. Notre mission est de favoriser l’engagement communautaire par le jardinage. Nous y voyons là non seulement un moyen d’assurer la sécurité alimentaire de la population de la région, mais également d’offrir aux membres une occasion de rencontrer d’autres personnes, de renforcer leur sentiment d’appartenance à la collectivité et de susciter chez eux une grande fierté. »

Dans une perspective de développement, la Inuvik Community Greenhouse entend encourager les membres du jardin communautaire à se lancer dans l’élevage d’animaux et espère y voir des poulets déambuler pour la première fois l’été prochain.

En juin dernier, le Vineland Research and Innovation Centre de la région de Niagara a inauguré son nouveau complexe technologique de culture de serre de Vineland d’une superficie de 3 700 mètres carrés, dont la valeur est évaluée à 10,4 millions $. Il s’agit de la plus importante serre de recherche se consacrant à l’horticulture jamais construite au pays. Cette installation de pointe intègre de nouvelles technologies visant à appuyer la recherche et à doter les chercheurs d’outils plus modernes. Ses activités de recherche portent principalement sur la sélection des plants et la lutte contre les ravageurs et les maladies. En outre, cette nouvelle serre de recherche innove sur le plan de la robotique et de l’automatisation, des domaines qui profitent de plus en plus à l’industrie des cultures en serre.

Du chou frisé Red Russian cultivé dans l’AgriDome, une serre située au Yukon.

Du chou frisé Red Russian cultivé dans l’AgriDome, une serre située au Yukon.

« Cette installation permettra aux chercheurs, aux partenaires de l’industrie et au gouvernement de se réunir et d’aider à bâtir les capacités de recherche agroalimentaire de l’Ontario, à développer de nouveaux produits, à accroître les débouchés économiques et à créer des emplois pour la population de la province », a indiqué Jeff Leal, ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario, dans un communiqué de presse publié en juin 2016.

Parmi les systèmes dont est doté le complexe technologique de culture de serre de Vineland, mentionnons les commandes qui per-mettent de réguler la température et l’humidité dans toute la serre, les lampes au sodium à haute pression dans la section des fleurs et les tranchées souterraines qui contribuent à réduire l’ombrage.